
Des observations de colibris en Suisse ? Le Moro-sphinx (Macroglossum stellatarum)
Régulièrement, jardiniers et amoureux de la nature en Suisse croient apercevoir des colibris, planant en bourdonnant doucement devant les fleurs pour en aspirer le nectar. La surprise est souvent grande – après tout, les colibris vivent exclusivement sur le continent américain. En réalité, ce « colibri » apparent est généralement un insecte qui lui ressemble fortement à première vue : le moro-sphinx (Macroglossum stellatarum).
Ce papillon, également appelé « sphinx colibri » dans le langage courant, appartient à la famille des Sphingidés (Sphingidae) et est à l’origine originaire de la région méditerranéenne. Chaque été, il migre vers le nord en suivant la hausse des températures. En raison du changement climatique, le nombre de moros-sphinx passant l’hiver en Suisse ne cesse d’augmenter chaque année.
Sphinx colibri et colibri – une ressemblance purement superficielle
Avec une envergure pouvant atteindre cinq centimètres et un thorax relativement grand pour un papillon, Macroglossum stellatarum est l’un des insectes les plus remarquables qu’on peut rencontrer en Suisse. Il est en effet assez grand pour être parfois confondu avec certaines espèces d’oiseaux de la famille des colibris (Trochilidae), auxquels il ressemble notamment par les motifs noirs et blancs sur les côtés de son abdomen brun. En Europe de l’Est et en Asie Mineure, certains spécimens peuvent même atteindre une envergure de sept centimètres.
Mais la ressemblance avec le colibri reste superficielle. Un observateur peu averti pourrait confondre sa trompe avec un bec ou prendre les écailles allongées de son abdomen pour une queue d’oiseau – mais un examen plus attentif permet de dissiper rapidement l’erreur. Comme le colibri, Macroglossum stellatarum utilise sa « queue » pour se stabiliser en vol stationnaire tout en se nourrissant du nectar de fleurs telles que le phlox, le lilas, le trèfle, les géraniums ou d’autres plantes à fleurs locales. Un seul moro-sphinx peut ainsi visiter jusqu’à 100 fleurs en cinq minutes, se déplaçant avec une incroyable rapidité dans toutes les directions et semblant flotter devant les fleurs grâce aux battements rapides de ses ailes gris-brun à brun-orangé.
Contrairement à de nombreux autres sphinx, Macroglossum stellatarum est majoritairement diurne – et ce, quelle que soit la météo. Son vol stationnaire lui permet aussi d’éviter certains prédateurs diurnes comme l’araignée-crabe, qui attend discrètement dans les corolles pour surprendre les insectes qui s’y posent. En parallèle, il doit maintenir constamment le mouvement de ses ailes pour éviter le refroidissement de sa musculature de vol.

Moro-sphinx vue du dessus

Chenille de Macroglossum stellatarum

Moro-sphinx en quête de nectar
À la recherche du climat idéal – Mode de vie et comportement migratoire
Lors des journées particulièrement chaudes et sèches, le sphinx colibri est surtout actif le matin et le soir – il ne tolère ni le soleil de midi ni les gelées nocturnes. C’est la raison pour laquelle d’innombrables individus migrent chaque été vers le nord pour fuir la chaleur méditerranéenne et y pondre leurs œufs. Ils parcourent ainsi jusqu’à 80 kilomètres par jour, atteignant parfois la Scandinavie, l’Islande ou les îles britanniques.
En automne, les papillons nés dans le nord retournent vers le sud. Ils sont la seule espèce de sphinx à hiverner à l’état adulte, avant de pondre à nouveau en mars. En Suisse, ils choisissent presque exclusivement les gaillets (Galium) pour y pondre leurs œufs – une plante qui constitue l’alimentation de prédilection de leurs chenilles, généralement vertes, parfois brun à rouge-brun. Ces dernières atteignent jusqu’à 45 millimètres de long avant de se nymphoser, pour donner naissance en juin à la première génération de l’année, qui partira à son tour vers le nord pour y passer l’été.








Le moro-sphinx évite les chaleurs extrêmes et est donc surtout actif le matin et le soir ; en été, il migre jusqu'en Scandinavie, en Islande et en Grande-Bretagne pour y pondre ses œufs. En automne, les descendants retournent dans le sud, passent l'hiver sous forme de papillons adultes et pondent à nouveau des œufs au printemps, de préférence sur des prés.
De migrateur à résident – Le moro-sphinx en Suisse
Macroglossum stellatarum en Suisse jusqu’à 2500 mètres d’altitude. Dans les régions douces, sans gel, il peut même y vivre toute l’année. Depuis quelques années, on observe de plus en plus d’individus en dehors des grandes vagues migratoires de juin-juillet vers le nord et du retour vers le sud en août – y compris en période d’hivernage dans des grottes, des arbres creux ou des abris artificiels.
Le changement climatique pourrait accentuer cette tendance. Il provoque déjà aujourd’hui un glissement progressif de l’habitat du sphinx colibri vers le nord. En raison de son comportement migratoire, il est difficile d’estimer précisément ses effectifs – mais les défenseurs de la biodiversité ne considèrent pas cette espèce comme menacée. Ceux qui souhaitent attirer ce papillon dans leur jardin peuvent bien sûr tenter leur chance avec un mélange de fleurs pour papillons, ou encore favoriser la ponte en cultivant des gaillets.